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11.01.2016

Liberté de circulation et état social commentaire pour le journal «Die Welt»

Liberté de circulation et état social commentaire pour le journal «Die Welt»

 
La liberté de circulation de plus de 500 millions de citoyens de l'UE est l’un des grands acquis du processus d'unification européen. De cette liberté ne profitent pas uniquement les étudiants, les familles, les chefs d'entreprise et les entreprises elles-mêmes, mais aussi plus de 200 millions de salariées et salariés. Le droit des salariés de pouvoir choisir leur lieu de travail et, par là même leur domicile, jouit d'une grande popularité.
 
Nous pouvons constater ces jours-ci à quel point cette liberté de circulation est appréciée par la plupart des citoyennes et citoyens des États membres européens. Malgré le grand nombre de réfugiés qui s'efforcent d'atteindre certains États membres de l'UE, le nombre de ceux qui, dans l'espace Schengen, soutiennent le rétablissement d'un contrôle aux frontières permanent est toujours limité. La suppression des contrôles à la frontière et la liberté de circulation ont, au même titre que la monnaie commune, permis aux Européennes et Européens de s'épanouir, comme l’on fait presque toutes les entreprises européennes.
 
Toutefois, la liberté de circulation ne représente pas seulement une commodité, mais elle est aussi une condition indispensable pour l'euro qui est entre-temps la monnaie unique partagée par la plupart des États membres. Ceux qui veulent l'euro ont besoin de main-d'œuvre qualifiée et mobile. Avec l'introduction de l'euro et la création de la Banque centrale européenne qui se chargea des compétences des banques centrales nationales, fut instaurée une zone euro commune. Presque tous les économistes s'accordent à dire qu'une monnaie commune implique la liberté de circulation des salariées et des salariés. D'après la théorie de Mundell des zones monétaires optimales, une union monétaire ne peut réussir que si les économies nationales s'unissent au moyen d'une grande mobilité professionnelle. Cette liberté de circulation de la main-d'œuvre en Europe est entre-temps une réalité vécue, comme le prouve l'afflux de personnels qualifiés espagnols, italiens, grecs au cours de la crise financière et économique survenue récemment dans leurs pays respectifs.
 
La liberté de circulation fonctionne jusqu'à présent sans trop de perturbations. Mais, force est de constater que certaines régions et villes de l'UE, également en République fédérale, souffrent de l'abus des possibilités de la liberté de circulation. Ainsi, malgré son succès et sa grande popularité auprès des citoyennes et citoyens de l'UE, ce concept est progressivement soumis à une pression croissante.
 
Ces problèmes sont dus à une particularité européenne. Certes, aux États-Unis d'Amérique existe par exemple pour plus de 300 millions d'habitants une liberté de circulation totale ; là aussi existe une monnaie commune. Les différences de conditions de vie entre le Massachusetts et le Mississipi ne sont d’ailleurs pas moindres que celles qui existent entre la Suède et la Roumanie, par exemple. Néanmoins, la migration de la main-d'œuvre au sein des É.-U. est bien plus fluide qu'en Europe. À celui qui, dans l’Illinois, ne perçoit plus aucun avenir pour lui-même, il suffit de partir pour la Californie. Quelle est la différence déterminante ? La réglementation de l’aide sociale est harmonisée aux É.-U. Il est vrai que l’on peut constater des différences entre les états fédéraux, mais les décisions importantes sont prises à Washington de manière centralisée et s’appliquent à tout le territoire fédéral.
 
C’est différent en Europe. Les traditions de l'état social des pays européens sont très différentes. Leur uniformisation est en outre exclue dans un proche avenir, car à ces fins, les pays riches devraient fortement abaisser le niveau de leur état social pour atteindre la moyenne de l'UE, ce que personne n'accepterait. L'Union européenne doit résoudre ce dilemme résultant de la comparaison entre les niveaux très différents des états sociaux des É.-U. et ceux de l'UE. La liberté de circulation signifie entre autres pouvoir choisir son lieu de travail, mais n'inclut en aucun cas le droit de pouvoir choisir le lieu de perception de prestations sociales.
 
L'état social, demeurant relativement faible aux É.-U., en particulier en ce qui concerne le soutien de la main-d'œuvre à la recherche de travail, résulte presque exclusivement de l'initiative du gouvernement central à Washington et pas des différents états fédéraux. En Europe, les traditions de l'état social sont plus anciennes et plus profondément ancrées. La formation de structures de l'état social relevait des différents états-nations. Le plus parlant est le concept suédois des maisons du peuple (« Volksheim ») que les sociaux-démocrates suédois ont repris pour en faire un objectif poursuivi par l'état et reconnu partout. De manière généralisée, cela veut dire : une personne vivant à l'intérieur des frontières peut compter sur la solidarité des ressortissants du pays. Et de la même manière : une personne qui vit à l'extérieur des frontières ne le peut pas ; du moins pas dans la même mesure.
 
À présent, les frontières ont presque disparu en Europe, pour le moins à l'intérieur de l'Union Européenne. Plus de 500 millions de citoyennes et de citoyens de l'UE jouissent de cette liberté de circulation ; ce qui représente un développement et un changement majeurs. Un changement qui n'a pas été suffisamment compris par certains, aussi bien au niveau juridique qu'intellectuel. Il est par conséquent grand temps d'adapter notre droit et nos pensées à cette nouvelle réalité. Une législation et une conception du droit émanant de frontières sécurisées, fixées et qui pour les demandeurs d'emploi sont pratiquement insurmontables, ne s'accordent guère avec une (meilleure) réalité européenne.
 
Et le temps presse, car la Grande-Bretagne pose ses conditions pour rester au sein de l'Union Européenne : à savoir, limiter de nouveau la liberté de circulation.
 
Autant le dire d’emblée : je suis absolument favorable au maintien de la Grande-Bretagne au sein de l'UE. Il existe pour ceci de solides raisons : l'importance des différents états de l'UE va décroître dans un monde qui va compter près de dix milliards d'êtres humains vers le milieu de ce siècle. Les États d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine vont renforcer cette tendance, si (comme ils l’espèrent) ils peuvent enregistrer une prospérité croissante, et si (comme elles l’espèrent) les Nations-Unies peuvent atteindre leurs objectifs millénaires. Il n'y a qu'ensemble, en tant qu'Union Européenne que les États d'Europe auront un poids dans le monde. Mais il est important qu'ils restent significatifs. L'information, la liberté, la démocratie, l'état de droit et, sous différentes formes, l'état social et l'état enseignant ont leurs racines ici. Ceci est évidemment valable en premier lieu pour la Grande-Bretagne qui - avec la France et les É.-U. - représente en particulier ces notions occidentales au travers de son histoire. La sortie de la Grande-Bretagne ne sert par conséquent ni les intérêts britanniques, ni les nôtres.
 
David Cameron demande maintenant de suspendre les prestations sociales pour les travailleurs migrants intra-européens pour une période de quatre ans, afin d'obtenir un régime de liberté de circulation mieux organisé. Cette revendication n'obtiendra sans doute pas le soutien nécessaire des États membres. Encore que ce ne soit pas indispensable, puisque les difficultés soulevées par la Grande-Bretagne peuvent être levées moyennant un effort relativement limité. Seuls quelques amendements mineurs au droit de la liberté de circulation européenne sont nécessaires pour le bon fonctionnement de celui-ci.
 
La Cour de justice de l'Union Européenne a démontré une voie d'accord dans plusieurs décisions. En règle générale, les prestations sociales sont liées à la prestation de travail. D'après son interprétation, seuls les travailleurs migrants intra-européens ayant travaillé auparavant plus d'un an dans ce pays, disposeraient d’un droit pérenne aux prestations sociales d'un autre État membre. Celui qui aurait exercé une activité professionnelle de moins d'un an dans un État membre, n'aurait droit ensuite à des prestations sociales que pendant six mois tout au plus. Transposer cette jurisprudence dans notre droit résoudrait déjà la plupart des problèmes.
 
Je propose donc ce qui suit : nous nous accordons au niveau européen sur le fait que les travailleurs migrants intra-européens ne peuvent prétendre à un droit pérenne à prestations sociales que s'ils ont perçu des revenus pendant au moins un an, mois après mois, correspondant au salaire minimum à plein temps du pays d'immigration concerné. Une telle règle liée au salaire minimum vient surtout en aide à la Grande-Bretagne, mais aiderait aussi d'autres États membres ; l'Allemagne également. En République fédérale, le salaire minimum mensuel s'élève à un peu plus de 1470 euros pour une activité à plein temps et une semaine de 40 heures. Cette masse salariale n'est pas un obstacle insurmontable qui lèserait la liberté de circulation, mais elle exclurait considérablement les abus.
 
Afin de parer à un abus supplémentaire, il suffirait de préciser que pour un droit temporaire à prestations sociales pendant au maximum six mois, il est également indispensable d’avoir travaillé auparavant pendant au moins six mois au salaire minimum pour une activité à plein temps. Cette réglementation serait sans doute possible en définissant la notion de « salarié européen », sans amendement compliqué du droit européen. Grâce à ces petits ajustements, nous pourrions finalement garantir de manière judicieuse que les prestations sociales pour les travailleurs migrants intra-européens soient liées plus étroitement encore à l'existence d'un emploi. Ce serait raisonnable.
 
Le droit européen, les lois nationales et la jurisprudence des cours suprêmes devraient sous-entendre qu'une personne qui émigre d'un pays membre de l'Union dans un autre pour raison de travail, dispose dans son pays d'origine d'une sécurité sociale suffisante. L'interopérabilité des systèmes sociaux européens ne pourra pas être garantie d'une autre manière dans une Europe hétérogène. Dans une Europe de la liberté de circulation, à la différence du temps des frontières nationales, la promesse permanente de solidarité du nouveau pays de séjour européen ne peut pas s’appliquer dès lors que l’on franchit les frontières nationales.
 
Conformément aux jurisprudences de la CJCE et tenant compte des propositions faites ici, un travailleur migrant intra-européen devra avoir par conséquent perçu au moins un salaire minimum pendant un an en exerçant une activité à plein temps, avant de pouvoir passer dans un nouvel espace de solidarité de façon pérenne. S'il ne satisfait pas à cette condition, il doit et peut, d'après les conditions décrites, être renvoyé après une période maximale de six mois, dans l'espace de solidarité de son pays d'origine européen. Une assistance ultérieure ne doit être offerte que pour permettre au travailleur migrant, n'ayant pas réussi à trouver du travail, de rentrer dans son pays d'origine, s'il n'en est pas capable par ses propres moyens.
 
Le point de vue consistant à accorder des droits pérennes à prestations sociales au-delà des périodes prévues par le droit de l'UE d'un côté et, dans un même temps, de suggérer aux services des étrangers (en Allemagne ou ailleurs), de reconduire le ressortissant intra-européen parce qu’il perçoit des prestations sociales est vraiment cynique. Cette position date encore de l'époque où les frontières intra-européennes réglaient ce genre de questions et ne reflète ni l'essence de l'esprit européen, ni une idée vraiment humaine.
 
Du reste : poursuivant la voie suggérée ici, un autre problème tracassant les États européens pourrait être résolu et ce, de meilleure manière qu'il ne l'est à l'heure actuelle : une répartition équitable des tâches entre les États européens lors de l'accueil des réfugiés. Un réfugié, arrivant dans un « pays de transit » comme la République tchèque, n'a jusqu'alors droit qu’aux prestations sociales conformes au standard tchèque. À l'heure actuelle encore, il lui est plus profitable de poursuivre sa route jusqu'en Allemagne. Si, à l'avenir, lui étaient octroyées les mêmes libertés de circulation qu'aux citoyens de l'UE après avoir reçu le statut de réfugié, cela pourrait l’inciter à poursuivre la procédure en République tchèque. Aujourd'hui, il doit attendre cinq ans jusqu'à ce qu'il puisse également bénéficier de la liberté de circulation.
 
Une telle liberté de circulation simplifiée après reconnaissance du statut pourrait convaincre des pays comme la République tchèque qui ne se voient qu'en tant que « pays de transit », d'accueillir plus de demandeurs d’asile. Dans la logique de leur propre argumentation, ils pourraient par conséquent espérer que nombre de personnes cherchant à être protégées vont essayer de trouver du travail autre part en Europe, dès qu'elles auront bénéficié de cette protection. Pour les « pays de destination », comme l'Allemagne, l'Autriche et la Suède, il serait également important que cela ne vaille la peine pour le réfugié reconnu de transiter vers un autre pays que s'il y trouve du travail. Faute de quoi, il serait lésé. Car dans ces cas aussi, la perception de prestations sociales serait liée à l'existence initiale d'un rapport de travail.
 
La liberté de circulation est un acquis majeur ; l’organiser pour faire face à l’avenir est l’affaire de toutes les citoyennes et citoyens européens. Le temps presse, car si nous attendons jusqu'à ce que les problèmes augmentent, les égoïsmes des états nationaux se réveilleront et affaibliront l'Europe. Nous ne pouvons pas nous permettre cela.